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Conventions et projets

ANR ARTS VISUELS ET EMOTIONS

Co-dirigée par


Yolaine Escande


Participants et partenaires


Institut Jean Nicod (UMR 8129, CNRS-ENS-EHESS) : Jérôme Pelletier


Centre de Recherche sur les Arts et le Langage (CRAL, UMR 8566, CNRS-EHESS) : Yolaine Escande (DR), Rong Bin (doctorante, CRAL).


Centre Emotion, Remédiation et Réalité Virtuelle (USR 3246) : Stéphanie Dubal


Laboratoire de Physiologie de la Perception et de l’Action (LPPA, UMR 7152, CNRS– Collège de France) : Alain Berthoz

Présentation

Il s’agit d’un projet dont le porteur est Jérôme Pelletier, membre de l’Institut Nicod, institut avec lequel le CRAL collabore depuis plusieurs années. Yolaine Escande participe à ce projet à titre de co-responsable, puisqu’il s’applique à la calligraphie et à la peinture chinoises, c’est-à-dire à son domaine de spécialisation et de recherche ; le CRAL y est partie prenante au titre de Partenaire. Le programme « art visuel et émotion » part de la constatation que l’art pictural est source de multiples expériences, d’une grande richesse qui engagent bonne part de notre vie mentale, de la perception à la cognition, de la création à la réception. Le côté émotionnel de notre relation aux œuvres d’art pictural est sans doute le plus méconnu et problématique. En Occident, depuis la fin du XVIIIe siècle et au cours du XIXe siècle, la théorie expressive de l’art soutient qu’un artefact exprime des émotions. Cette théorie, relativement consensuelle dans les milieux philosophiques et artistiques, mérite d’être clarifiée conceptuellement et étayée empiriquement.

Le programme « Art visuel et émotion » (AVE) se propose, en prenant pour objet l’art pictural, de combler cette lacune. Aussi AVE part du postulat que la théorie expressive de l’art, récemment développée en Occident, bénéficierait grandement d’un rapprochement avec la théorie beaucoup plus ancienne de la calligraphie et de la peinture de « montagnes et d’eaux » (shanshui) chinoises qui voit, dans le trait de pinceau, un ingrédient central de l’expressivité émotionnelle de l’art pictural. En prenant appui sur cette tradition séculaire pratique et théorique, AVE a commencé à élaborer des protocoles expérimentaux en psychologie empirique et neurosciences affectives pour comprendre certains processus causaux à la base de l’expressivité émotionnelle de l’art pictural. Le projet AVE fédère ainsi des personnes relevant aussi bien des sciences humaines et sociales que des sciences cognitives autour d’un objectif commun : comprendre l’art de l’expression des émotions dans la calligraphie chinoise et la peinture de shanshui. Les partenaires d’AVE sont l’Institut Jean Nicod (UMR 8129, CNRS-ENS-EHESS), le Centre Emotion, Remédiation et Réalité Virtuelle (USR 3246), le Centre de Recherche sur les Arts et le Langage (CRAL, UMR 8566, CNRS-EHESS), le Laboratoire de Physiologie de la Perception et de l’Action (LPPA, UMR 7152, CNRS–Collège de France) et Cerveau et Vision (U 371, Inserm).

AVE exploitera les résultats des expériences menées dans le cadre de chaque discipline impliquée dans le projet et en croisant les disciplines. L’interdisciplinarité s’opérera aussi bien entre la philosophie et les neurosciences, qu’entre la philosophie et la sinologie. Le croisement de la philosophie et des neurosciences devra permettre de faire progresser le domaine émergent de la philosophie cognitive de l’art, auquel le CRAL participe activement. Le croisement des philosophies chinoise et occidentale devrait montrer qu’il existe, au cœur de la diversité créatrice picturale, de quoi transcender par l’art les différences entre pays et cultures. Le projet AVE, par sa structure pluridisciplinaire, constitue le premier projet d’évaluation scientifique d’une hypothèse séculaire chinoise ayant une pertinence pour la philosophie chinoise, la philosophie occidentale de l’art mais aussi les neurosciences.

L’expressivité émotionnelle de l’art pictural a suscité l’intérêt des artistes, des philosophes de l’art, des théoriciens de l’art et, plus récemment, de la psychologie empirique et des neurosciences affectives. Mais d’une part, si on exclut un certain âge d’or de la philosophie occidentale de l’art à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle où l’esthétique était un thème central pour des penseurs qui n’hésitaient pas à franchir la frontière entre philosophie et psychologie comme R. H. Lotze (1868), F. T. Vischer (1873), K. Groos (1892), T. Lipps (1903) et V. Lee (1913), l’intérêt suscité par la question de l’expressivité émotionnelle de l’art pictural ne s’est le plus souvent déployé qu’au sein du même domaine, de manière autonome, c’est-à-dire sans établir de passerelles avec les autres domaines à la différence de ce que propose le projet AVE. D’autre part, le seul domaine où les connaissances ont atteint un véritable consensus pour se développer finalement en une tradition théorique reconnue est celui de la philosophie chinoise.

Dans la philosophie chinoise, l’expressivité émotionnelle de l’art est en effet un thème majeur. Les arts sont traditionnellement considérés comme le lieu du développement de soi mais également de l’expression des sentiments (shuqing). Si les émotions sont en général considérées de pair avec la question de la nature humaine (Feng You-lan, A Short history of Chinese Philosophy, 1983, Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 1997, Zhang Dainian, Key Concepts in Chinese Philosophy, 2002), les études sur l’expression des émotions en art se trouvent surtout dans la poésie chinoise, dans une réflexion orientée sur le rapport entre forme et fond. En revanche, dans le domaine des arts visuels, s’il existe une théorisation élaborée en chinois, elle n’a pas été exploitée dans les langues occidentales. Ceux-ci sont étudiés essentiellement du point de vue de l’histoire de l’art (Fu Shen, Traces of the Brush, 1977) ou, en esthétique, de la sémiologie (François Cheng, Lelangage pictural chinois, 1979). Dans tous les cas, l’attention est portée sur l’expressivité gestuelle, sur le mouvement, alors que la tradition chinoise prône une absence d’action du créateur (Escande, L’Art enChine, 2001, Montagnes et eaux, 2005). En chinois, Hsiung Ping-Ming, dans un ouvrage qui fait date, Les Systèmes théoriques de la calligraphie chinoise (1984), consacre un des six chapitres à la question de « l’expression des émotions » en calligraphie : il est admis, dans la théorie de cet art, que les mots ne suffisent pas à transmettre les émotions ; aussi le tracé est-il le vecteur direct d’expression non sémantique. En peinture, qui se réfère à la théorie et à la pratique calligraphiques, c’est dans les traités sur le paysage qu’est étudiée la relation entre émotions et paysage. De façon schématique, un paysage (jing) ne peut exister, dans l’imagination puis sur le papier, que par le truchement des émotions (qing). La tradition pratique et théorique des lettrés a pu être transmise jusqu’à nos jours de maître à disciple, et c’est à partir des savoirs de cette tradition ininterrompue que la recherche AVE va pouvoir être initiée.

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