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Appel à contribution/ Images Re-vues, sur le thème « Précarité » / 31 avril 2020

Appel à contribution/ Images Re-vues, sur le thème « Précarité » / 31 avril 2020

Appel à contribution pour "Images Re-vues" - revue d'histoire, anthropologie et théorie de l'art (N° 19), sur le thème « Précarité ».

Coordination du numéro : Nadia Fartas


Date limite d’envoi des propositions : 31 avril 2020 / Date limite de remise des articles : 24 août 2020. Le texte complet de l'appel est en ligne sur le Carnet de recherche d'Images Re-vues.


L’une des manières possibles d’appréhender la diversité des mouvements et des productions artistiques du XXsiècle et du début du XXIe siècle consiste à les considérer sous l’angle de la précarité. Nombre d’œuvres traitent, en effet, des situations concrètes de précarité d’un point de vue social, physique et moral. La photographie rend compte des différents aspects de la condition humaine, dont celui de la pauvreté. Avec d’autres photographes, Eugène Atget a porté son attention sur la Zone, ce territoire constitué de bidonvilles qui, de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1950, s’étendait aux portes de Paris. Aux États-Unis, les photographes de la Farm Security Administration (Walker Evans, Dorothea Lange, etc.) se penchèrent sur l’Amérique de la Grande Dépression et du New Deal. L’essor du cinéma documentaire a contribué à rendre sensibles les violences sociales et économiques d’où résultent états de fragilité, sentiments d’incertitude et d’inquiétude mais aussi formes de solidarité, d’inventivité, de lutte et de résistance. Le trouble que peut susciter le film Makala repose sur le contraste entre la grande beauté des images et l’extrême dureté du périple du charbonnier congolais filmé par Emmanuel Gras, réalisateur qui accorde une importance majeure aux sensations. Le labeur du villageois rend compte des ravages de la misère mais aussi des incroyables ressources que l’être humain est capable de déployer, ressources mises au premier plan par le caractère épuré du film. La précarité s’exprime également par le biais des supports, matériaux et éléments plastiques qui peuvent s’imposer, par nécessité, ou qui sont choisis en raison de leur caractère fragile, périssable ou prosaïque et des fonctions symboliques qu’ils sont capables de revêtir. Plusieurs mouvements artistiques (Arte Povera, Nouveau Réalisme) en ont exploité les ressources suivant différentes motivations et revendications. Si la pauvreté et la précarité sur lesquelles se penchent artistes et documentaristes sont subies, les effets produits par l’utilisation de ces matériaux ou par les aspects formels et plastiques des œuvres sont quant à eux recherchés.

Les motivations artistiques liées à la précarité induisent ainsi des implications morales. Dans l’art contemporain ou les arts vivants, il n’est pas rare d’assister à des confrontations entre le contexte (exposition, scène) et des états de dénuement ou de fragilité, les plus extrêmes. En 2015, en Suède, la compagnie théâtrale Institutet a engagé deux personnes roumaines qui mendiaient dans la ville de Malmö afin qu’elles poursuivent leur activité au sein d’une installation artistique. Leur rôle de mendiant — assurer une pose quotidienne au musée des Beaux-Arts de Malmö — était rémunéré. Selon les organisateurs de cette « exposition », il s’agissait de faire réagir les visiteurs au sujet de la mendicité, ce qui n’a pas manqué de susciter une polémique.

Aborder les figurations et représentations de la précarité invite également à se saisir du phénomène de l’esthétisation. Si la réception critique du film Makala fut très largement positive, d’aucuns ont pu s’émouvoir de la manière dont, dans le cadre d’un film documentaire, est esthétisé le labeur du charbonnier. Que recouvre cette notion ? De manière générale, on peut retenir que « l’esthétisation en un premier sens consiste […] à embellir les choses, à détourner une chose ou sa représentation de sa fonction pratique pour la relier à un critère de beauté ou apparenté » (Dominique Chateau, L’Esthétisation de l’art : art contemporain et cinéma, 2014). On en comprendra les ressorts moraux en se reportant aux caractéristiques données par Gérard Genette à l’« esthétisme » (à distinguer du courant artistique du même nom, au XIXe siècle) : « […] l’esthétisme consiste précisément à considérer dans (et valoriser pour) son aspect esthétique (le “beau crime” cher à certains) ce qu’il faut plutôt considérer et évaluer dans son contenu éthique ou ses conséquences sociales, et à donner le pas, sur la responsabilité morale, à l’appréciation esthétique la plus subjective » (Gérard Genette, L’Œuvre de l’art. La relation esthétique, 1997). Un tel décalage est remarquable dans les situations qui émergent de la rencontre entre le caractère précaire d’une réalité sociale, son inscription dans un contexte artistique et l’appréciation esthétique qui s’y rapporte. Ainsi les personnes en situation de précarité sont-elles parfois désignées par un vocable teinté de religiosité et de complaisance, l’indigence se confondant alors avec le bien et le beau : les « humbles », les « gens de peu », dont la vie de « simplicité » serait belle et admirable car jugée authentique. Un autre type de renversement axiologique consiste à valoriser les traits de l’instabilité intrinsèques à la précarité en les rabattant sur les qualités, connotées positivement, propres à la fluidité, au mouvant ou à l’indétermination.

Ce numéro d’Images Re-vues cherche à fournir des repères d’ordre historique et théorique, artistique et esthétique, sur la place de la précarité dans les arts et sur les problèmes qui s’y rattachent. Il s’agit, avec ce numéro, de contribuer à l’enquête sur les relations entre arts et précarité essentiellement à partir d’études de cas, lesquelles pourront notamment se fonder sur des controverses. Les articles de synthèse sont également bienvenus. C’est pourquoil’appel à contribution est ouvert à plusieurs disciplines (histoire et théorie de l’art, esthétique, anthropologie, sociologie de l’art, études cinématographiques, littérature si l’article aborde les relations entre le visuel et le verbal, le texte et l’image), et à d’autres périodes que les XXe et XXIe siècles. À titre indicatif, on pourra suivre les orientations de recherche suivantes :

– La précarité figurée et représentée : Du point de vue de l’histoire de l’art et des images peut-on déterminer des moments pour lesquels la précarité a constitué un enjeu majeur ou au contraire a été reléguée dans la sphère des thèmes mineurs, et, si c’est le cas, au profit de quels autres thèmes ? Comment l’analyse des rapports entre le texte et l’image, la littérature et l’illustration enrichit-elle l’étude du thème de la précarité ? Quelles sont les caractéristiques du misérabilisme et en quoi la sobriété formelle s’en éloigne-t-elle ?

– La précarité esthétisée : Quels cas de controverses, quels outils théoriques peuvent permettre de distinguer certains traits de l’esthétisation ? Quelles valeurs dominantes et normatives sont associées à la précarité ? Dans quelles mesures éclairent-elles le « tournant moralisateur » de l’art (Carole Talon-Hugon, L’Art sous contrôle, 2019) ?

– La précarité de l’artiste / la précarité liée aux médiums : En quoi la figure de l’artiste participe-t-elle d’une iconographie de la précarité ? Quelles relations établir entre les situations de précarité des artistes et les médiums utilisés ?

– La précarité et la recherche scientifique : De la même manière, mais sur le plan des personnes qui mènent des travaux universitaires sur œuvres et artistes, en quoi les conditions précaires de la recherche déterminent-elles sujets et méthodologies ?

– La précarité et les arts vivants : Outre les études se rapportant à la représentation de la précarité dans les domaines du théâtre, de la danse ou de la performance d’un point de vue artistique et esthétique, des articles traitant cette question sous l’angle de l’anthropologie sont vivement attendus. On pourra par exemple s’intéresser aux danses des favelas.

Calendrier :

Date limite d’envoi des propositions (5000 signes espaces compris) : 31 avril 2020

Date limite de remise des articles (45000 signes espaces compris maximum) : 24 août 2020

Les propositions sont à envoyer aux deux adresses électroniques suivantes : nfarcad(at)lilo.org / redactions(at)sfr.fr

Site internet d’Images Re-vues : https://journals.openedition.org/imagesrevues/

Carnet de recherche d’Images Re-vues : https://cirv.hypotheses.org/

Visuel : Victor Hugo, Gavroche rêveur, entre 1861 et 1862, dessin, 17 x 12,2 cm, maison de Victor Hugo/Hauteville House

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