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Séminaire collectif du CRAL "Penser l’action musicienne en situation d’occupation" (07/03/16)

Séminaire collectif du CRAL
Art et littérature : l'esthétique en question
7 mars 2016

 "Penser l’action musicienne en situation d’occupation"


avec Karine Le Bail, CNRS/CRAL et
Discutant : Nicolas Donin, IRCAM

Cliquez ici pour voir la vidéo en plein écran sur la chaîne Youtube du CRAL

 
Karine Le Bail


 

Questions et remarques

Jean-Paul Sartre a très tôt pointé la singularité radicale des expériences d’occupation qui, aux représentations traditionnelle de l’ennemi combattant, ont substitué les figures de soldats allemands côtoyés dans la rue, dans le métro, au cinéma, dans les salles de spectacles : « Le concept d’ennemi n’est tout à fait ferme et tout à fait clair que si l’ennemi est séparé de nous par une barrière de feu. Tel est en tout cas le premier aspect de l’Occupation : qu’on s’imagine donc cette coexistence perpétuelle d’une haine fantôme et d’un ennemi trop familier qu’on n’arrive pas à haïr », écrivait Sartre en 1945. L’expérience de l’autre, de l’« étranger », comme jeu de l’altérité et de l’identité (Husserl, 1929), s’enrichissant ici d’une nouvelle catégorie d’analyse, celle de l’espace comme lieu pratiqué (M. de Certeau, 1980) : c’est parce que l’ennemi n’est plus « séparé de nous par une barrière de feu » qu’il vient bousculer les représentations du lointain et du proche, de l’étranger et du familier, et fait dès lors éclater les cadres de référence de l’ancienne haine.

Aussi la situation inédite d’un pays occupé aux trois cinquièmes de son territoire par des soldats allemands passionnément mélomanes ouvre-t-elle une infinité de questions : est-ce que jouer engage ? Et si écouter, c’est agir, jusqu’où faut-il élargir la notion de scène ? Englobe-t-elle ceux qui jouent et ceux qui écoutent ? Le spectacle des populations vaincues et occupées faisant la queue à l’entrée des théâtres pour acclamer les grands solistes allemands n’a-t-il pas offert une image forte de cette nouvelle Europe sous domination allemande annoncée par les vainqueurs ? Peut-on parler d’une musique « collaboratrice », ou « résistante » ?

Karine Le Bail, Chercheure au CNRS, membre du CRAL, mène des travaux qui relèvent de l’histoire sociale des professions artistiques au XXe siècle – champs scéniques, musique et politique, médiations culturelles. Parmi ses ouvrages, Pierre Schaeffer, les constructions impatientes (CNRS éditions, 2010), Jean-Louis Barrault, une vie sur scène (Flammarion, 2010), Les mémoires d’Henry Barraud, Un compositeur à la tête de la Radio. Essai autobiographique (Fayard, 2010), et La musique au pas. Être musicien sous l’Occupation (CNRS éditions, mars 2016). Sur France Musique, après avoir produit Les Greniers de la mémoire (1994-2015), elle présente depuis septembre 2015 À pleine voix, une émission sur la fabrique de la voix.

Nicolas Donin est musicologue à l’Ircam, où il a fondé et anime l’équipe de recherche Analyse des pratiques musicales, au sein du laboratoire Sciences et technologies de la musique et du son (Ircam-C.N.R.S.-U.P.M.C.). Ses travaux traitent des œuvres, pratiques et esthétiques musicales savantes selon une double approche : histoire de la musique contemporaine depuis la fin du XIXe siècle ; et musicologie empirique en collaboration avec des compositeurs, interprètes, auditeurs d’aujourd’hui. Il a notamment coédité avec Rémy Campos L’analyse musicale, une pratique et son histoire (Genève, 2009)

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