Doctorants

Benoit JODOIN

Doctorant
Institution(s) de rattachement : EHESS
Institution secondaire : Université du Québec à Montréal
Laboratoire(s) de rattachement : CRAL

Direction de recherche : Marielle Macé (EHESS), Patrice Loubier (UQAM)

 

Les sciences humaines dans l'art contemporain : les usages du savoir

 

Depuis les deux dernières décennies, la production et la diffusion de savoirs font l’objet de préoccupations grandissantes dans le monde de l’art contemporain, et ce, pour les artistes comme pour les curateurs. Décrit par les théoriciens du tournant éducatif de l’art et de la recherche-création, ce phénomène fait de l’art contemporain un espace alternatif où partager et discuter de savoirs, mais aussi un espace où il est possible d’en faire l’expérience autrement.

Parmi tous les types de savoirs convoqués dans l’art contemporain, les sciences humaines détiennent une place privilégiée. Leur importance dans l’art se justifie par la très grande proximité entre les sciences humaines et la création artistique : elles partagent avec l’art le sujet de recherche, l’humain; elles reposent comme lui sur des méthodologies inexactes, plurielles, contextuelles; elles ont un intérêt pour la réflexivité épistémologique et sont préoccupés par le rôle éthique et politique à jouer. La rencontre du savoir des sciences humaines et de l’art contemporain dans les pratiques actuelles apparaît ainsi comme une avenue de choix pour mieux comprendre les rapports entre art et savoir, en ce qu’elle incite à identifier leurs différences et leurs similarités sur le plan méthodologique, épistémologique et politique. Cette recherche portera ainsi sur la présence des sciences humaines dans l’art, par leur contenu thématique, leurs théories, leurs livres ou leurs auteurs, dans les œuvres et les pratiques curatoriales depuis le tournant des années 2000.

L'hypothèse à étayer est que cette rencontre met en évidence des usages du savoir des sciences humaines. Tel qu'élaboré par Giorgio Agamben, Michel Foucault et Michel de Certeau, entre autres, l’usage comme modalité engage un positionnement par rapport à un ensemble d'habitudes d’usage des sciences humaines. Il implique également de considérer un objet du point de vue des manières de faire qu’il permet, c'est-à-dire ici de concevoir les sciences humaines comme incarnées dans des corps, des voix, des subjectivités et des circonstances concrètes. Il engage également la production de formes qui sont données à voir, à considérer, à contempler, à juger. Ainsi, faire usage des sciences humaines dans l’art contemporain permet à l’art de s'inviter dans le travail de recherche en sciences humaines et dans les débats épistémologiques qui les concernent, de les situer comme manières au sein de subjectivités et de relations intersubjectives, et de leur attribuer un rôle dans la constitution d'un devenir-soi éthique. Pour défendre cette hypothèse, je considérerai à la fois la pensée des auteurs repris dans les pratiques à l’étude, celle des critiques et curateurs associés au phénomène (entre autres : C. Bishop, T. Holert, I. Rogoff, S. Maharaj, S. Sheikh, P. O'Neill, M. Wilson et M. Lind) et celle des théoriciens qui ont travaillé la notion d’usage (M. Macé, M. Foucault, G. Agamben, M. de Certeau, N. Bourriaud, S. Wright). Il s'agira de définir cette modalité sous laquelle les sciences humaines sont reprises dans l'art contemporain, d'étudier leurs différentes mises en forme et leur agentivité. 

Quatre formes seront plus spécifiquement interrogées. La première, l’installation-essai, désigne les installations présentant des résultats d’un travail de recherche sur des sujets généralement associés aux cultural studies, comme le The Rose Valland Institute (2017) de Maria Eichhorn et le Martha Rosler Library (2005) de Martha Rosler. La deuxième, la conférence-performance, est cette forme hybride entre la conférence universitaire et la performance artistique qui se caractérise par une grande hétérogénéité, une autoréflexivité et par une importance accordée à la diffusion de savoir. Product of circumstances (1999) de Xavier Le Roy et The Tranny Tease (2014-) du collectif Slavs and Tatars seront donnés en exemples. Les ateliers à vocation pédagogique organisés par des artistes hors des institutions d’enseignement traditionnels, comme le Copenhagen Free University (2001-2007) et le Blackmarket for Useful Knowledge and Non-Knowledge (2005-), que l’on appellera à la suite de Claire Bishop des « projets pédagogiques », constitueront la troisième forme. La dernière sera les pratiques « paracuratoriales » (J. Hoffmann), ces événements discursifs organisés autour des expositions par les curateurs et par les institutions artistiques pour diffuser de la recherche et pour faire la médiation d’œuvres, comme ceux du unitedstatesplaza (2006-2007) ou ceux du Musée d’art contemporain Val-de-Marne. L’œuvre de Thomas Hirschhorn Gramsci Monument (2013), qui rassemble les quatre formes précédemment nommées, servira enfin de synthèse des enjeux soulevés.

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